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Licenciement
Les pro et anti conventionnalité du barème « Macron » ont débattu devant la cour d’appel de Paris : verdict attendu le 25 septembre 2019
Ce matin, les juges de la chambre sociale de la cour d’appel de Paris, ont entendu pas moins de huit avocats débattre de l’inconventionnalité du barème « Macron ». Aux deux avocats des parties se sont ajoutés ceux des nombreux syndicats ayant souhaité intervenir volontairement compte tenu de l’enjeu en cause. L’avocat général a lui aussi rendu son avis lors de cette audience exceptionnelle. L’affaire a été mise en délibéré au 25 septembre 2019. D’ici là, la Cour de cassation, saisie pour avis, aura peut-être déjà pris position.
Le barème Macron est-il contraire aux règles du droit international ?
Le barème mis en place par les ordonnances Macron du 22 septembre 2017, afin d’encadrer le montant des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, agite les prétoires depuis plusieurs mois (c. trav. art. L. 1235-3). Bon nombre de parties lui reprochent de violer la Convention 158 de l’OIT et la Charte sociale européenne qui consacrent le droit à une réparation « appropriée ».
Aujourd’hui, c’est la cour d’appel de Paris qui a entendu les parties, l’avocat général et 6 syndicats débattre sur la conventionnalité du barème « Macron ». Ce point « subsidiaire » avait été déconnecté des débats sur le fond de l’affaire relative au licenciement d’un salarié et reporté à l’audience de ce jour.
Arguments en faveur de l’inconventionnalité du barème
Chacun à leur tour les syndicats se sont exprimés sachant que l’employeur a soulevé l’irrecevabilité de leur intervention volontaire dans ce dossier au motif que l’intérêt collectif de la profession ne serait pas en jeu. Il s’agit du syndicat des avocats de France, de l’union des syndicats anti précarité, de l’union syndicale solidaire, de la CGT, de la CFDT et de la CGT-FO.
Sans entrer dans le détail de tous leurs arguments, qui sont pléthore, l’on pourra retenir les éléments suivants.
Tout d’abord, à leurs yeux, évoquer la décision du Conseil constitutionnel prise à l’occasion de l’examen de la loi de ratification des ordonnances est sans objet étant donné que le Conseil a tranché sur la constitutionnalité du barème et non pas sur sa conventionnalité (c. constit., décision 2018-761 DC du 21 mars 2018, JO du 31). Il en est de même pour la décision prise par le juge des référés du Conseil d’État étant donné qu’il n’avait pas la compétence pour apprécier la conventionnalité dans le contexte du référé (CE 7 décembre 2017, n° 415243). Le juge judiciaire serait donc le seul compétent pour se prononcer sur la question.
Les syndicats considèrent que le barème est trop bas (qu’il s’agisse du plus petit montant comme du plus élevé) pour permettre une indemnité adéquate.
Ils critiquent aussi l’usage de « l’ancienneté » du salarié comme critère unique pour déterminer le barème. Il n’y est nullement tenu compte de la capacité du salarié à retrouver un emploi équivalent, de sa situation de famille, ni même de sa santé.
L’argument selon lequel le juge peut s’affranchir du barème lorsque le licenciement est nul ne constitue pas, à leurs yeux, une voie alternative d’indemnisation, mais purement et simplement un régime distinct. Cela ne saurait donc justifier la légitimité du barème.
Le syndicat des avocats de France a aussi relevé le caractère discriminant du barème car, à partir d’une certaine ancienneté, le plafond s’arrête, ce qui créé une inégalité.
Arguments en faveur de la conventionnalité du barème
De leur côté, l’avocat de l’employeur et l’Avocat général ont invoqué un certain nombre d’arguments en faveur de la conventionnalité du barème.
Selon eux, l’audience de ce jour serait sans objet étant donné que les mêmes arguments ont déjà été évoqués, en leur temps, devant le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État qui n’ont vu aucune raison de remettre en cause le barème Macron.
Ils rappellent l’objectif d’intérêt général du barème qui permet une meilleure prévisibilité des conséquences qui s’attachent à la rupture d’un contrat de travail.
En outre, le juge conserve une marge d’appréciation souveraine entre un minimum et un maximum qui lui permet de prendre en compte les éléments individuels propres à chaque salarié.
Il est, selon eux, inadéquat de soulever que le barème se fonde uniquement sur l’ancienneté étant donné que sa détermination résulte d’un croisement entre ladite ancienneté et le montant de la rémunération du salarié. Or, le montant de cette rémunération est justement déterminé par la fonction du salarié, par sa compétence, ainsi que par son âge, qui est synonyme d’expérience et donc de meilleur salaire.
Enfin, il est important de souligner que le salarié licencié qui invoque le caractère non fondé de son licenciement peut parfaitement invoquer des préjudices distincts. Le texte du code du travail relatif au barème n’empêche en aucun cas un cumul d’indemnités entre, par exemple, celle venant indemniser un licenciement sans cause réelle et sérieuse et celle indemnisant un licenciement prononcé dans des conditions vexatoires.
L’avocate de l’employeur est aussi revenue sur les décisions rendues par les conseils de prud’hommes en faveur de l’inconventionnalité et sur leur motivation souvent insuffisante. Elle a ainsi rappelé que :
-l’un d’entre eux avait écarté le barème pour un licenciement jugé nul et pour lequel se barème ne s’appliquait donc pas ;
-un autre avait écarté le barème tout en prononçant une indemnité inférieure au plafond s’appliquant au salarié concerné ;
-et un troisième avait écarté le barème pour prononcer une indemnité de 12 mois là où le respect du barème aurait signifié une indemnité de 11,5 mois pour le salarié …
Calendrier des prochaines échéances
La cour d’appel de Paris a mis l’affaire en délibéré au 25 septembre 2019.
D’ici là, le 17 juin 2019, ce sera au tour de la cour d’appel de Reims d’entendre les arguments des partisans de l’inconventionnalité du barème Macron et de ceux qui jugent ce barème conforme aux règles de droit international.
Puis, le 8 juillet 2019, la Cour de cassation devrait examiner conjointement les deux affaires qui ont donné lieu à sa saisine pour avis. Mais il n’est pas certain qu’elle se prononce dans ce cadre, si l’on s’en réfère à d’autres saisines pour avis qu’elle a rejetées sur la compatibilité d’un texte du code du travail avec des textes de droit international (cass. avis. 12 juillet 2017, avis n° 17-70009 PB ; cass. avis. 16 décembre 2002, avis n° 00-20008). Si la Cour juge les demandes irrecevables, il faudra attendre la voie plus classique d’un pourvoi en cassation.
De beaux débats en perspective sur le barème Macron !
CA Paris, audience du 23 mai 2019
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