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Vie des affaires

Société civile immobilière

Fausse signature sur une cession de parts : l'associé trompé peut agir pendant cinq ans après la découverte de la falsification

Un associé, dont la signature a été imitée sur une cession de parts, dispose de 5 ans pour agir en justice à compter de la découverte de la falsification. Peu importe que la cession ait été publiée au registre du commerce et des sociétés depuis plus de 5 ans.

Une cession de parts sociales contestée pour falsification de signature

Une cession de parts sociales entre deux associés d’une SCI est formalisée par un acte datant du 14 novembre 2005. L’acte de cession est enregistré au registre du commerce et des sociétés (RCS) le 28 novembre suivant.

Rq. Rappelons que la cession de parts sociales d’une société civile doit faire l’objet d’une publicité au RCS. Celle-ci se matérialise par le dépôt de la copie authentique de l’acte de cession, s’il est notarié, ou de l’original, s’il est sous seing privé (c .civ. art. 1865 ; décret 78-704 du 3 juillet 1978, art. 52).

Le 24 juin 2014, l’épouse de l’associé dont la part a été cédée consulte le site Infogreffe et s’aperçoit que son mari n’est plus associé de la SCI. L’époux, qui, en réalité, n’a jamais cédé sa part sociale, comprend que sa signature a été falsifiée.

Le 21 décembre 2016, soit plus de 11 ans après l’enregistrement de la cession au RCS, il saisit la justice pour faire annuler la cession.

Quel est le point de départ du délai pour annuler une cession frauduleuse ?

La question du délai de prescription

La société et le cessionnaire soutiennent que, falsification ou non, l’action en justice du cédant est prescrite. Ils s’appuient pour cela sur l’article 2224 du code civil qui énonce que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».

Pour eux, l'associé avait été en mesure de connaître la cession litigieuse dès sa publication au RCS le 28 novembre 2005. Son action était donc prescrite.

Seulement voilà : cet argument ne convainc ni les juges d'appel, ni la Cour de cassation.

Les 5 ans se calculent à compter de la découverte du vice

La Cour de cassation relève que l'action en justice engagée par l'associé est fondée sur son absence de consentement à la cession.

Partant de ce constat, la Cour rappelle que :

-le délai de prescription d'une action en nullité d'une convention pour vice de consentement court à compter du jour où le vice est découvert (c. civ. art. 1144) ;

-l'absence de consentement constitue, comme le vice du consentement, une cause de nullité inhérente à l'une des parties. Par conséquent, les mêmes règles s'appliquent ;

-la publication de l'acte de cession de parts sociales au RCS est destinée à en assurer l'opposabilité aux tiers. La présomption de connaissance qui en découle ne s'applique donc pas à l'associé cédant.

Comme l'ont relevé les juges d'appel, l'associé cédant n'avait aucune raison particulière de consulter le site Infogreffe et de se rendre compte avant le 24 juin 2014 qu'il avait été dépossédé de la part qu'il détenait dans la SCI. Le délai courait donc bien à compter de cette date et l'action introduite fin 2016 n'était pas prescrite.

Pour aller plus loin :

« Société civile immobilière », RF 2021-3, § 1500

Cass. civ. 3e ch., 25 mai 2022, n° 21-12238