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Social
Faute
Détourner des affaires et des commissions dues à son employeur, c’est une faute lourde
Les juges reconnaissent rarement que l’intention de nuire à son employeur qui caractérise la faute lourde est constituée. Mais c’est bel et bien le cas, lorsqu’un salarié, entre autres, démarche des clients de son employeur et détourne à son profit les affaires et les commissions qui vont avec, pour 1,3 million d’euros.
Faute lourde : rappels
La hiérarchie des fautes. - Il est possible de licencier un salarié qui commet une faute d’une importance suffisante pour justifier la rupture d’un contrat à durée indéterminée.
En pratique, la faute peut notamment se matérialiser :
-soit par un acte répréhensible relevant d’un comportement interdit par les règles de l’entreprise (ex. : fumer sur le lieu de travail) ;
-soit par l’abstention volontaire de remplir une obligation contractuelle ou une prescription (ex. : irrespect des horaires).
Pour que le licenciement soit possible, il faut que la faute justifie la rupture du contrat.
Les fautes sont classées par gravité, chaque type ayant des incidences différentes sur le contrat de travail et le droit des salariés. On parlera selon le cas de faute légère (qui, à notre sens, ne peut pas justifier un licenciement), de faute simple susceptible de constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, de faute grave ou de faute lourde.
Dans la gradation, la faute lourde est donc la plus importante.
Faute lourde : une définition qui exige la preuve de l’intention de nuire. - Les juges exigent d’une faute qu’elles présentent des caractéristiques bien précises pour reconnaître qu’elle est « lourde ».
Pour eux, il s’agit d’une faute d’une gravité exceptionnelle, que le salarié commet dans l’intention de nuire à l’employeur (cass. soc. 2 décembre 1998, n° 96-42382, BC V n° 530). La circonstance que le salarié a commis un acte particulièrement grave, ou « cumulé » plusieurs fautes graves ne suffit pas (cass. soc. 29 septembre 2010, n° 09-41465 D).
Le salarié commet une faute lourde quand il agit en cherchant sciemment à causer un préjudice à l’entreprise ou à l'employeur (cass. soc. 8 février 2017, n° 15-21064, BC V n° 22).
Des effets lourds. - En cas de licenciement pour faute lourde, il n’y a ni préavis, ni indemnité de licenciement. Sur ce plan, les effets sont donc les mêmes qu’une faute grave.
La spécificité de la faute lourde, c’est qu’elle permet à l’employeur d’engager la responsabilité pécuniaire du salarié (cass. soc. 25 janvier 2017, n° 14-26071, BC V n° 15) et de lui demander en justice des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.
Il peut donc arriver qu’un employeur invoque la faute lourde d’un salarié à cette fin (obtenir des dommages et intérêts), y compris dans un contexte autre qu’un licenciement, par exemple après une démission comme ce fût le cas dans une affaire jugée le 21 avril 2022 par la Cour de cassation.
L’affaire du 21 avril 2022 : une faute lourde reconnue après une démission
L’affaire jugée par la chambre sociale de la Cour de cassation le 21 avril 2022 concernait un salarié responsable des ventes équipements production qui avait démissionné en juillet 2012.
Par la suite, sur fond de litige pour concurrence déloyale et parasitisme opposant la société employeur du salarié à une société cliente et son ancien salarié, l’employeur a demandé la condamnation de son ancien salarié à lui verser diverses sommes à tires de dommages-intérêts au titre d’agissements constitutifs d’une faute lourde (dont 1,3 million au titre des commissions dont l’entreprise avait été privée).
Pour la Cour de cassation, le salarié avait bien commis une faute lourde caractérisée par l’intention de nuire à son employeur. Il faut dire que le tableau dressé par les juges du fond était éloquent :
-démarchage de clients et fournisseurs travaillant avec la société qui l'emploie ;
-détournement d’affaires en cours à son profit avec la complicité de fournisseurs de son employeur ;
-et enfin, détournement de commissions dues à son employeur via l’instauration d’un système de commissionnement occulte à son profit pendant l'exécution de son contrat de travail.
On notera néanmoins que dans sa décision du 21 avril 2022, la Cour de cassation a souligné que l’employeur ne pouvait pas être indemnisé du même préjudice via l’action engagée devant les juridictions prud’homales que celui dont il avait déjà obtenu réparation devant le tribunal de commerce via la condamnation de l’entreprise cliente.
La Cour a donc cassé l’arrêt d’appel qui avait condamné le salarié à verser la somme de 1 314 550 euros de dommages-intérêts à son ancien employeur au titre des commissions dont il l’avait privé.
Cass. soc. 21 avril 2022, n° 20-22773 D