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Social
Inspection du travail
Obstacle au contrôle : pour être reconnu coupable de faux, il faut avoir cherché à fabriquer une preuve
Sommé par l’inspection du travail d’organiser les élections des délégués du personnel, un employeur avait tenté de faire croire qu’il avait convié les syndicats à organiser les élections, en rédigeant des invitations qu’il n’avait en réalité jamais envoyées. Ces courriers pouvaient-ils être qualifiés de « faux en écriture » au regard du droit pénal ? La réponse de la chambre criminelle de la Cour de cassation, dans une affaire jugée le 19 juin 2018, montre que la réponse est moins évidente qu’il n’y paraît.
L’inspection du travail s’était intéressée à une nébuleuse de sociétés, prétendument distinctes, mais en réalité étroitement liées les unes aux autres. Ces entités avaient à leur tête un unique dirigeant, gérant de droit d’un certain nombre de sociétés et gérant de fait des autres.
Les services de contrôle avaient notamment demandé au dirigeant d’organiser l’élection de délégués du personnel (DP) dans 17 entités du groupe. Pour vérifier que le processus était bien lancé, l’inspection du travail avait réclamé, entre autres documents, les courriers envoyés aux organisations syndicales pour les inviter à négocier les protocoles préélectoraux.
Or, si l’employeur avait communiqué à l’administration 85 invitations, qui portaient la mention manuscrite « envoyé le 4 juin 2013 », apposée par une gestionnaire des ressources humaines, il s’était révélé incapable de produire les bordereaux d’envoi de ces courriers. L’inspection du travail avait alors mené l’enquête et constaté qu’aucun des syndicats prétendument destinataires n’avait reçu d’invitation à négocier. Elle avait en conséquence accusé l’employeur de faux en écriture et, de ce fait, d’obstacle à l’exercice des fonctions d’un inspecteur ou contrôleur du travail (c. trav. art. L. 8114-1).
La chambre correctionnelle de la cour d’appel avait effectivement déclaré la gestionnaire des ressources humaines, auteur des mentions « envoyé le 4 juin 2013 », coupable de faux en écriture et d’obstacle au contrôle. Le dirigeant et plusieurs collaborateurs avaient quant à eux été déclarés coupables de complicité de faux et, également, d’obstacle au contrôle.
Or, pour la chambre criminelle de la Cour de cassation, on ne pouvait pas parler ici de faux en écriture. En effet, pour constituer un faux, l’altération de la vérité doit être commise dans un écrit qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d’établir la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences juridiques (c. pénal art. 441-1). Or, ici, les mentions manuscrites « envoyé le 4 juin 2013 » n’établissaient nullement la preuve que les invitations avaient bien été envoyées. Elles n’avaient en définitive aucune valeur et l’inspection du travail ne pouvait en tirer d’autre conclusion que l’employeur n’était pas en mesure de démontrer qu’il avait invité les syndicats à négocier.
Il en aurait été autrement si l’employeur avait par exemple élaboré de faux bordereaux d’envoi ou de faux accusés de réception.
La Cour de cassation a donc cassé l’arrêt d’appel, mais uniquement en ce qui concerne les condamnations pour faux en écriture, et celles, subséquentes, d’obstacle au contrôle.
Pour le reste, il était clairement établi que l’employeur n’avait jamais organisé les élections professionnelles. Le dirigeant et plusieurs de ses collaborateurs ont donc par ailleurs été condamnés pour entrave à la libre désignation des délégués du personnel (c. trav. art. L. 2316-1 pour les DP ; c. trav. art. L. 2317-1 pour le comité social et économique). Sur ce point, la Cour de cassation ne remet pas en cause la décision de la cour d’appel.
Cass. crim. 19 juin 2018, n° 17-81730 D