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Social
Licenciement
Un salarié protégé qui tarde à demander sa réintégration perd-il le droit aux salaires correspondant à ce retard ?
Un salarié protégé, licencié sans autorisation, peut solliciter sa réintégration dans son emploi ou un emploi équivalent. Il bénéficie également d’une indemnité égale aux salaires correspondant à sa période d’éviction. Mais attention aux demandes de réintégration intervenant après la période de protection… car cela peut avoir des incidences sur cette indemnisation. Dans un arrêt d’espèce du 10 juillet 2019, la Cour de cassation a rappelé les subtilités de sa jurisprudence.
Indemnisation du salarié réintégré : rappel de la jurisprudence
Le licenciement d’un salarié protégé requiert l’autorisation de l’inspection du travail (c. trav. art. L. 2411-3, pour un délégué syndical). À défaut, le licenciement est nul et le salarié est en droit d’être réintégré et indemnisé.
Le droit de demander la réintégration ne cesse pas du seul fait que la période de protection a pris fin (cass. soc. 20 mai 1992, n° 90-44725, BC V n° 328). Aucun délai ne limite la possibilité d’un salarié protégé de demander à être réintégré.
Sur le plan indemnitaire, les solutions sont plus nuancées.
Si le salarié demande sa réintégration pendant sa période de protection, il bénéficie d’une indemnité égale à la rémunération qu’il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu’à sa réintégration effective (cass. soc. 10 décembre 1997, n° 94-45254, BC V n° 431).
En revanche, si le salarié demande sa réintégration après le terme de la période de protection en cours, c’est uniquement si ce retard est lié à des raisons qui ne lui sont pas imputables qu’il a droit à une indemnisation pleine et entière, depuis son éviction jusqu’à sa réintégration (cass. soc. 30 novembre 1999, n° 97-41690, BC V n° 465).
Dans cette dernière hypothèse, la jurisprudence a introduit un ultime raffinement : si le salarié demande sa réintégration une fois la période de protection expirée pour des motifs qui ne lui sont pas imputables, mais qu’il a présenté de façon abusive sa demande tardivement, le montant de son indemnité sera limité, puisqu’elle correspondra à la rémunération dont il aurait bénéficié de la date de sa demande de réintégration (et non de la date de son éviction) jusqu’à sa réintégration effective (cass. soc. 7 novembre 2018, n° 17-14716 FSPB).
L’affaire du 10 juillet 2019 : une cour d’appel qui est allée trop vite en besogne
L’affaire concernait un salarié délégué syndical qui avait été licencié sans autorisation le 23 mai 2003. L’intéressé a saisi les juges pour obtenir l’annulation de son licenciement, mais n’a sollicité sa réintégration qu’en cours de procédure, le 25 septembre 2014.
Pour la cour d’appel, les demandes de réintégration et d’indemnisation devaient être rejetées, car elles avaient été formulées après la période de protection du salarié.
La Cour de cassation censure ce raisonnement bien trop rapide et rappelle la grille d’analyse, que la cour d’appel aurait dû appliquer.
Tout d’abord, elle précise que l’employeur n’est libéré de son obligation de réintégration que dans deux circonstances, à savoir la disparition de l’entreprise ou l’impossibilité absolue de réintégration.
Sur le plan du droit à indemnisation du salarié, la Cour rappelle que :
-si le salarié demande sa réintégration pendant la période de protection, il a droit à une indemnité égale à la rémunération qu’il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu’à sa réintégration ;
-il en va de même lorsque le salarié formule sa demande de réintégration après l’expiration de la période de protection en cours, mais pour des raisons qui ne lui sont pas imputables ;
-si le salarié demande sa réintégration après l’expiration de la période de protection en cours pour des motifs qui ne lui sont pas imputables, mais de façon abusive tardivement, il n’a droit qu’à la rémunération qu’il aurait perçue du jour de la demande de réintégration à celui de sa réintégration effective.
Cass. soc. 10 juillet 2019, n° 18-13933 D
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